Les femmes veulent plus que des strapontins
Catherine Anne et Myriam Marzouki
Tribune parue dans « Libération » le 24 janvier 2013
Depuis quelques mois, la question de l’inégalité hommes/femmes dans le monde de la culture a fait l’objet d’une attention médiatique plus grande et le public semble de plus en plus sensible à ce problème. Ceci témoigne d’une prise de conscience accélérée des discriminations de fait dont les femmes sont victimes dans tous les secteurs de la création artistique. Le collectif La Barbe qui s’est invitée sur le plateau du théâtre de l’Odéon lors de la présentation de saison 2012-2013 en juin dernier, a salué la programmation des 14 spectacles à venir : 14 textes écrits par des hommes, 14 spectacles mis en scène par des hommes. Dans le secteur artistique et culturel, l’excellence des jeunes filles et leur forte présence au niveau des recrutements dans les écoles supérieures n’empêchent pas un phénoménal phénomène de «plafond de verre». Ainsi, pour la direction des établissements subventionnés par l’Etat dans le domaine des arts, du théâtre, de la danse et de la musique, les statistiques sont effarantes : 20% de directrices pour les quatorze établissements publics, autour de 25% pour les centres chorégraphiques et les scènes nationales ou conventionnées. Les centres dramatiques nationaux et régionaux détiennent la palme, avec 8% d’artistes directrices, situation en régression ! Le contexte politique nous permet d’espérer qu’en la matière, le changement soit vraiment pour maintenant…
Le choix du nouveau président de la République d’un gouvernement paritaire est un acte important prouvant qu’il est possible d’allier volontarisme et recrutements de valeur. Ce combat pour l’égalité des femmes et des hommes dans l’art et la culture est fondamental pour la société tout entière. N’est-il pas inadmissible que les mécanismes de domination masculine se retrouvent dans un secteur de l’activité humaine qui se targue de missions d’émancipation, d’ouverture, de critique, voire de subversion ? Nous revendiquons un monde où les petites filles, autant que les petits garçons, puissent «naturellement» – autrement dit «culturellement» – se rêver chef d’orchestre, écrivaine, metteuse en scène, peintre, plasticienne, cinéaste. Nous revendiquons un monde où les jeunes filles s’engageant dans une carrière artistique ne soient pas majoritairement condamnées à choisir entre les rôles – ô combien gratifiants ? – de muses, obscurs objets de désir, ou précieuses collaboratrices, dévouées et invisibles. Nous souhaitons que disparaisse en France cette anomalie démocratique de la sous-représentation des femmes dans le monde de l’art et la culture.
Catherine Anne, écrivaine, metteuse en scène
Myriam Marzouki, metteuse en scène,
membres du Mouvement H/F pour l’égalité dans l’art et la culture
Nous avons lu ce texte et partageons pleinement l’avis qu’il exprime. Premiers signataires du texte :
Georges Appaix, chorégraphe
Marion Aubert, écrivaine, metteure en scène, comédienne
Stephanie Aubin, chorégraphe et directrice du Manège de Reims, Scène Nationale
Marie-Christine Blandin, sénatrice ; présidente de la commission culture au Sénat
Agnès Bourgeois, metteure en scène
Zabou Breitman, comédienne, metteure en scène
Marie-Pia Bureau, directrice du grand R Scène Nationale ;
Denise Chalem, écrivaine, vice-présidente théâtre SACD
François Chaignaud, chorégraphe, danseur
Jean-François Chougnet, directeur Marseille Provence 2013 ;
Joseph Danan, auteur ;
Hélène Delavault, cantatrice, comédienne ;
Judith Depaule, metteure en scène
Sophie Deschamps, présidente de la SACD
Sophie Deshayes, musicienne ;
Marie Desplechin, auteure ;
Yan Duyvendak, artiste
Laurence Equilbey, chef d’orchestre ;
Pierrette Fleutiaux, écrivaine, prix Fémina 1990 ;
Nicolas Frize, compositeur ;
Claudine Galéa, auteure ;
Pascale Henrot, directrice du Théâtre de la Cité Internationale à Paris
Emmanuelle Huynh, chorégraphe, directrice du CNDC d’Angers
Hassane Kouyaté, conteur, comédien et metteur en scène ;
Emmanuelle Laborit, comédienne, directrice de l’international visual théâtre
Daniel Larrieu, chorégraphe ;
Jean-Joël Le Chapelain, directeur de l’Apostrophe, Scène Nationale ;
Muriel Mayette, administratrice de la Comédie Française
Pierre Meunier, auteur, metteur en scène et acteur ;
Marie Ndiaye, écrivaine, prix Fémina 2001 et Goncourt 2009 ;
Rachid Ouramdane, danseur, chorégraphe, artiste associé au théâtre de la Ville de Paris et à La scène Nationale d’Annecy ;
Gloria Paris, metteure en scène
Joël Pommerat, auteur et metteur en scène
Claude Ponti, écrivain-dessinateur ;
Corinne Rufet, présidente de la commission culture de la Région Île-de-France;
Marie-Agnès Sevestre, directrice des Francophonies en Limousin
Claudia Stavisky, metteure en scène, directrice du théâtre des Célestins à Lyon ;
Carole Thibaut, auteure, metteuse en scène
Anne Théron, metteure en scène
Gilberte Tsaï, metteure en scène, ex directrice du CDN de Montreuil
Hélène Vincent, comédienne